L’Île Saint-Pierre était déjà fréquentée par les premiers voyageurs de plaisance au XVIIIe siècle. Ils partageaient l’exaltation de l’époque pour les beautés de la nature. Le pavillon baroque octogonal est construit en 1728 comme salle de réception. À la Belle Époque, le chemin de fer et des liaisons régulières par bateau à vapeur rendent le voyage plus simple et plus confortable. Dames portant chapeaux et longues robes et messieurs élégants élisent le pavillon comme lieu de pique-nique, séduits par les charmes du paysage et la vue qui s’offre à leurs yeux.
Au siècle des lumières, le poème Les Alpes (1729) du savant universel bernois Albert de Haller, tout comme les écrits du philosophe Jean-Jacques Rousseau célèbrent la vie simple et la nature. Des œuvres qui invitent à visiter des lieux idéalisés ou des paysages fascinants. Ce tourisme pouvait susciter des tempêtes d’émotions, telles que les décrit la poétesse Friederike Brun en 1799 sur l’Île Saint-Pierre: «Je montai sur les hauteurs de l’île, le cœur battant, et j’errai dans la belle chênaie par des sentiers étroits et touffus. Comme tout cela m’émouvait!».
La récolte des pommes (sur l’Île Saint-Pierre) – Gravure de Franz Niklaus König (1817)
La colline de l’île est couverte d’une chênaie thermophile, en partieentretenue spécialement pour le tourisme. Le lucane cerf-volant, habitant typique de cette forêt, se nourrit de la sève des chênes. La femelle dépose ses œufs dans des souches mortes. Les larves se nourrissent de bois en décomposition et séjournent là 5 à 7 ans, jusqu’à ce qu’elles éclosent en tant qu’adultes après la nymphose. Le lucane est fortement menacé. Sa survie dépend de la présence de vieux chênes et de bois mort en grande quantité, conditions qu’il trouve ici.
Lucane cerf-volant (Lucanus cervus) – de Jürgen Ritter, Tierkunde (1960)
Sur le plateau de la chênaie se trouve une clairière baptisée «place des sorcières». C’est là que, selon la légende, le diable festoyait avec des sorcières et transmettait ses pouvoirs magiques. On dit que les jeunes de la rive du lac et les moines de l’île ne manquaient pas ces orgies. Selon le pasteur et linguiste Emanuel Friedli (Twann, 1922), les prétendues sorcières étaient soit «des elfes dansant joyeusement», soit «les tristes victimes de la justice qui a érigé dans le Seeland la plupart de ses bûchers».
Mariage du diable (1568) – collection Wickiana de Johann Jakob Wick
Pendant longtemps, se rendre sur l’île n’est possible qu’à bord d’embarcations privées. Quelques bateaux à vapeur apparaissent dès 1826, puis une société des bateaux à vapeur, fondée en 1887, assure les liaisons entre Bienne, Cerlier et La Neuveville. Ne disposant au départ que de deux bateaux, elle relie aussi régulièrement l’Île Saint-Pierre. En 2022, la Société Navigation Lac de Bienne SA (BSG), avec ses 9 bateaux, 37 emplois à l’année et 7 postes de saisonniers, a transporté 330 000 passagers. Entre Cerlier, Lüscherz et l’île circule en outre une navette de la commune bourgeoise de Berne.
Bateau à vapeur devant La Neuveville – Gabriel Lory fils 1827 (Bibliothèque nationale)
Pic épeichette
« Les Alpes » de Haller